Le parasite d'une espèce de fourmis ralentit considérablement leur vieillissement, mais c'est sans doute pour faciliter leur ingestion par un oiseau, dans lequel l'intrus va achever sa croissance, affirment des biologistes allemands.
Nous avons surveillé la survie des insectes à trois ans et nous montrons que les fourmis infectées vivent beaucoup plus longtemps que les non infectés, dit à l'AFP Susanne Foitzik, professeure en biologie à l'Université de Mayence.
Et c'est un euphémisme, puisqu'aucune fourmi saine n'a passé ce cap, alors que plus de la moitié des fourmis parasitées étaient encore vivantes, expliquent les auteurs de l'étude publiée dans la revue Royal Society Open Science(Nouvelle fenêtre) (en anglais).
Temnothorax nylanderi (T. nylanderi), aussi appelée fourmi des glands, où elle fait un petit nid, est une espèce répandue en Europe occidentale. Les entomologistes savent depuis longtemps que leur caste de travailleuses sont la cible de choix d'un parasite, l'Anomotaenia brevis (A. brevis).
À l'état adulte, ce petit ver, un ténia cespode, vit dans le tube digestif du pivert. Il y pond des œufs qui se retrouvent dans les fientes de l'oiseau, avant de figurer au menu des larves de T. nylanderi. Les œufs du parasite colonisent alors leur hémolymphe (le sang de la fourmi) et s'y développent sous forme de larves.
Les fourmis infectées semblent conserver une forme de jeunesse éternelle. Leur cuticule, l'exosquelette leur servant de carapace et de peau, conserve la couleur jaune pâle des jeunes fourmis, cantonnées au départ à la pouponnière. Le parasite modifie aussi leur comportement puisqu'elles se refusent à suivre les fourmis travailleuses, qui s'aventurent dehors pour alimenter la fourmilière.
Pourquoi peuvent-elles vivre si longtemps?, avec un taux de survie identique à celui des reines, dont certaines atteignent jusqu'à vingt ans, s'interroge le Pr Foitzik, qui a signé l'étude avec son ancienne étudiante Sara Beros, aujourd'hui chercheuse à l'Institut Max Planck.
Peut-être grâce à plus de soins, car les fourmis infectées reçoivent plus d'attention de la part des autres travailleuses, qui semblent attirées par un signal chimique particulier de leur exosquelette.
Mais l'équipe de l'entomologiste a aussi établi, dans une autre étude publiée en janvier, que la présence du parasite amplifiait l'expression de gènes liés à l'immunité, et dans une moindre mesure de gènes liés à la longévité, dit la biologiste.
Autrement dit, le parasite aiderait l'organisme de la fourmi à lutter contre le vieillissement.
Mieux encore, l'équipe du Pr Foitzik est en train d'analyser les protéines libérées par le parasite dans le sang de la fourmi, ce qui ouvre une fenêtre sur le phénomène du vieillissement.
Nous avons découvert que plusieurs de ces protéines ont des propriétés antioxydantes, très utiles pour le système immunitaire, dit-elle, en estimant possible que le parasite aide lui-même la fourmi à vivre plus longtemps.
Pourquoi le parasite chercherait-il à allonger la durée de vie de son hôte?, demande le Pr Foitzik. Elle y répond dans l'étude en supposant que c'est le meilleur moyen pour le parasite de rejoindre son hôte final. Car la larve du parasite ne peut se transformer en ver qu'en retrouvant le tube digestif du pivert.
D'autres parasites de fourmis amènent ces dernières à un suicide rapide pour arriver à leurs fins.
La petite douve du foie, qui entame son cycle dans un escargot, passe à la fourmi de l'espèce Formica, et pousse son hôte à fausser compagnie chaque jour à ses congénères pour se percher en haut des herbes, dans l'espoir d'être broutée par un ruminant, cible finale du parasite. Un autre petit ver, Myrmeconema neotropicum, amène sa fourmi hôte à dresser en l'air son abdomen rouge, pour mieux tenter un oiseau de passage, son hôte final.
Ce qui ramène au pivert, qui aurait peu de chance de repérer T. nylanderi et sa taille maximale de 3 mm dans un tas de feuilles. Les fourmis infectées restent à l'abri dans leur nid dans un gland ou une branche, pile l'endroit que le pivert va ouvrir pour se nourrir de larves, selon l'étude.
Pour les chercheurs, il est donc probable que les changements de comportement observés chez les travailleuses infectées les prédisposent à se faire manger par l'oiseau.
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