Les fourmis font aussi de la chimie


Plusieurs tâches des fourmis sont semblables à celles de professions humaines telles qu'agriculteur ou éleveur. Des chercheurs suisses ont récemment ajouté à cette liste une fonction surprenante : chimiste!

Un texte de Renaud Manuguerra-Gagné

Les colonies de fourmis regroupent des centaines de milliers d’individus dans un espace restreint. Comme dans les villes humaines, cette proximité entraîne des risques d’insalubrité et favorise les épidémies.

Les fourmilières sont pourtant des lieux étonnamment propres et ne sont pas souvent décimées par des maladies. Les débris, les cadavres, ou toute particule qui pourrait contaminer l’environnement, sont constamment évacués.

Toutefois, selon une étude publiée dans le journal Ecology and Evolution(Nouvelle fenêtre), les fourmis ont une autre tactique pour éviter les infections bactériennes ou fongiques : en mélangeant différentes substances, elles fabriqueraient une forme d’antibiotique.

Valoir plus que la somme de ses parties

On savait déjà que certaines espèces de fourmis accumulent la résine de conifères. Cette résine, produite par les arbres lorsque l’écorce est endommagée, contient des substances qui permettent à l’arbre de se défendre contre des pathogènes. Les fourmis profitent de ces propriétés et se servent de la résine séchée pour désinfecter leurs nids.

En étudiant les pouvoirs antibiotiques de la résine seule, les chercheurs s’étonnaient du fait que cette substance soit suffisante pour protéger les colonies des maladies.

Afin de vérifier si ces insectes modifient les propriétés de la résine, les chercheurs en ont donné à des groupes de fourmis en laboratoire. Après deux semaines, ils ont découvert que cette résine avait une efficacité 50 % plus élevée que celle qui avait simplement été conservée.

L’équipe a alors détecté que la résine avait été mélangée avec l’acide formique. Ce venin est sécrété par les fourmis pour combattre leurs ennemis, mais possède aussi des propriétés antibiotiques. Le mélange des deux substances augmente les capacités antifongiques de la résine.

Les chercheurs ont eux-mêmes obtenu des résultats semblables en opérant un mélange identique. Les fourmis récoltent donc de la résine et la mélangent avec leur venin pour défendre leur colonie face aux agents pathogènes.

Les bénéfices de la société

Beaucoup d’animaux utilisent des substances qu’ils trouvent dans la nature pour se nettoyer ou se défendre. Par contre, selon ces chercheurs, c’est la première fois, en dehors de la société humaine, qu’on voit une espèce mélanger différents composés dans le but d’en améliorer les effets.

En plus de ces bases rudimentaires en chimie, les fourmis maîtrisent aussi une forme d’agriculture. Certaines espèces coupent des feuilles et les entreposent dans des jardins souterrains ventilés pour faire pousser des champignons qui nourriront la colonie. D’autres pratiquent même l’élevage de pucerons, source de nourriture.

Finalement, certaines études(Nouvelle fenêtre) montrent que les fourmis doivent absolument communiquer entre elles pour exercer un rôle en société et qu’elles n’agiront pas seules si elles n’échangent pas avec leurs congénères.

Tous ces comportements et aptitudes fascinent les chercheurs en évolution qui y voient une façon d’observer comment des comportements complexes peuvent se développer autant chez des insectes sociaux, comme les fourmis, que chez d’autres espèces.

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