Pour traverser une rivière ou se protéger d’une inondation, les fourmis de feu (Solenopsis invicta) unissent leurs forces en formant des radeaux ou en construisant des tours. Mais, dans ce dernier cas, comment maintiennent-elles la structure debout sans que celles qui se trouvent à la base de l’édifice soient écrasées ? La réponse est astucieuse : les fourmis sont continuellement en mouvement dans la tour ! Elles se comportent de façon semblable à un fluide.
Les chercheurs avaient déjà compris comment les fourmis de feu construisent des radeaux. Elles s’accrochent les unes aux autres par les pattes et s’orientent de façon à créer des cavités remplies d’air, et répartissent leur poids pour former une structure flottante. L’équipe menée par Craig Tovey, de l’Institut de technologie de Géorgie, à Atlanta, a cherché à comprendre comment les insectes réussissent à former une tour.
En laboratoire, l’équipe a filmé à l’aide de caméras ultrarapides la façon dont les fourmis s’assemblent autour d’une barre glissante en téflon. Elle a aussi marqué la moitié de la colonie avec un traceur radioactif afin de suivre les insectes dans la structure ainsi formée.
Les fourmis procèdent par tâtonnement. Elles consolident en permanence les parties les plus fragiles jusqu’à ce que la structure soit solide. Les chercheurs ont montré que chaque insecte peut supporter jusqu’à trois congénères. Et lorsqu’une fourmi est surchargée, elle lâche ses voisines et redescend en bas de la colonne. Là, elle refait surface à la base de la tour.
La structure en forme de cloche ressemble à un fluide, et chaque fourmi y supporte le même poids. « Les fourmis se comportent comme une fontaine d’eau, mais à l’envers », explique Craig Tovey.
D’après Guy Theraulaz, du Centre de recherche sur la cognition animale de Toulouse, les spécialistes savaient que la structure des tours était dynamique, mais ces vidéos sont le premier enregistrement de ce phénomène.
En utilisant des modèles mathématiques, l’équipe a en outre réussi à prédire la forme et la vitesse de croissance des tours. Les chercheurs savaient déjà que lors de la construction d’un radeau, les fourmis de feu n’obéissent pas à un commandement centralisé, mais agissent individuellement. Ce comportement peut être modélisé avec trois règles simples qui sont ensuite intégrées dans un modèle mathématique de la structure.
Les chercheurs ont été surpris de constater que lorsque les fourmis construisent des tours, elles « obéissent aux mêmes règles individuelles et décentralisées », note Craig Tovey. Les deux structures sont pourtant différentes : le radeau est statique, tandis que la tour est dynamique.
Ces découvertes pourraient inspirer les chercheurs qui travaillent sur la programmation d’essaims de petits robots pour accomplir une tâche. « Comprendre comment les fourmis peuvent bâtir ce genre de structures 3D solides en ne suivant que quelques règles très simples peut nous aider à maîtriser la programmation de ces minuscules robots polyvalents. La prochaine étape est de comprendre comment les fourmis construisent des ponts », conclut Craig Tovey.
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